11 août 2025

VLB et PÉLOQUIN

Deux belles listes du libraire François Coté. Bon, je ne suis pas à la solde du libraire, mais disons-le on sent la passion des livres derrière ces catalogues, surtout celui de VLB.


Liste 1 consacrée à VICTOR-LÉVY BEAULIEU (1945-2025) avec une vingtaine de titres dont plusieurs sont dédicacés.

Liste 2 consacrée à CLAUDE PÉLOQUIN (1942-2018) avec une vingtaine de titres dont une affiche pour le film "Pélo le magnifique" (1974) et un "poème-affiche" : Un grand amour (1971).

6 août 2025

Visage nu

 

Madeleine Leblanc, Visage nu, Montréal, Beauchemin, 1963, 60 p.

Quand on lit la poésie de Leblanc, on se demande si cette poète a lu Garneau, Grandbois, Hébert, les poètes de l’Hexagone… Son style a quelque chose de très suranné. Le recueil compte quatre parties.

« Inquisition » : Les poèmes sont ceux d’une femme qui s’auto-analyse, qui cherche à mettre le doigt sur l’origine de ses déboires. « J’ai marché dans ma nuit sans bruit, / Cherchant la lanterne de vérité / Afin d’y purifier mon songe, / Mais j’ai trouvé la lampe sans feu ».

 « Pourquoi es-tu triste, ô ma joie » :  Le premier poème est intitulé « Assassin » : on comprend qu’un homme a brisé sa vie et lui a fait très mal. Les deux derniers vers de cette partie : « Entends-tu crier la haine / De l’enfant qu’on a tué ». Entre ce début et cette fin, une femme qui cherche à retrouver la joie.

« Quelques chants d’amour » : Des poèmes d’amour, dont quelques-uns ont été mis en musique. « Ton corps était taillé à la mesure de mon corps, / Ton cœur était pétri à l’empreinte du mien, / Ton sang s’incendiait à l’ardeur de ma fièvre, / Ton front était sculpté dans la pierre de mes rêves, / Ta chair gardait la forme de mes désirs. »

« Au fil des heures » : Ce sont une suite d’aphorismes du style « La vie n’a de sens que celui qu’on veut bien lui donner » ou « Espérer en vain c’est souffrir. Ne rien espérer, c’est mourir. »

Vous l’aurez compris, c’est un petit recueil plus que modeste qui peut probablement atteindre le lecteur pas très friand de la poésie moderne.


Madeleine Leblanc sur Laurentiana
Les terres gercées

27 juillet 2025

Cœur de sucre

Madeleine Ferron,
Cœur de sucre, Montréal, HMH, 1966, 221 p. (Coll. L’arbre)

Disons au départ que 22 des 24 récits qui composent le recueil ne sont pas vraiment des contes, même si cette notion est devenue très difficile à cerner depuis Maupassant. On a plutôt affaire à des saynètes, à des moments de vie saisis sur le vif. À ceux-ci s’ajoutent deux contes fantastiques : « La souris prédestinée » et « La visite ».

Madeleine Ferron a vécu une partie de sa vie en Beauce. Elle raconte des faits quotidiens, les aléas de la vie des gens qu’on qualifie, à tort ou à raison, d’ordinaires. Les personnages se retrouvent devant un événement qui vient à peine perturber leur vie trop uniforme ou devant une action qui contrevient à l’ordre établi ou à la lourde morale de l’époque.

L’intérêt du recueil tient dans la plume de l’autrice : elle sait repérer les événements, banals en soi, mais porteurs de sens; elle saisit avec acuité les motifs qui poussent les individus à agir de telle ou telle façon; elle est juste assez malicieuse (ou féroce), parce qu’on sent qu’elle aime bien ces villageois. Ferron porte souvent son regard sur la situation des femmes, parfois prisonnières d’un mariage qui ne leur convient plus.

Coeur de sucre : Des jeunes ont entaillé plus tôt que prévu. Le père parti, c’est la fête.
La jarre : Encan au sujet d’une cruche que deux voisins se disputent.
Le don de dieu : Langelier, pendant que les maris sont au chantier, soigne les femmes avec son sexe.
Julie : Julie, après la mort subite de son mari, dérape complètement.
Francoune, ma francoune : Un avocat doit défendre un homme qui a tué sa femme… après lui avoir fait 13 enfants.
Le peuplement de la terre : Une jeune fille de 13 ans vient de se marier.
Les termites : Aussitôt le testament lu, les frères et les sœurs dévalisent la maison.
La rentrée : Une femme en tenue de plage lors de la rentrée chez les Ursulines.
Mission ratée : Le prône d’un prédicateur féroce se termine mal.
La souris prédestinée : Une jeune fille transformée en souris.  
Le cercueil apprivoisé : Un embaumeur achète du bois et offre des cercueils en retour.
L'incroyable terminus : Au salon mortuaire, les compliments tout faits.
Le pardon refusé : Un marguillier en lutte contre le vicaire.
La chouette : Une voisine surveille son voisin.
Les vertus des anges : Trois garçons se paient la tête d’un « idiot » en lui faisant chanter le « O Canada » sur un tas de fumier.
La maladie : Jeanne n’a vécu que pour ses fleurs.
Le jour inachevé : Élise est troublée par la vue d’un homme qui vient lui livrer des poulets.
Le cousin de Jerry : Invitation rejetée et remords.
Les animaux, nos frères : Irène quitte son mari et s’installe chez un célibataire.
La fin d'un artiste : L’homme le plus sociable du village perd la voix.  
La visite : Un sucrier, qui dort dans sa cabane, est visité par un revenant.
Le créateur : Il voulait devenir inventeur.
Le « pit de gravelle » : Deux amoureux mettent fin à leur vie.
Le manchot : Linière a perdu un demi-bras dans un moulin à scie.

« Les contes de Madeleine Ferron mettent en scène des petites gens pris sur le vif dans leur quotidien : la veuve éployée, les retraités, les pauvres vieilles filles, l’idiot exploité et ridiculisé, le fainéant, le menuisier, le commerçant, le cordonnier, le préposé à la voirie municipale, l’artiste, le don juan raté pourtant gratifié d’un don spécial, la femme adultère… L’auteur s’amuse à décrire, sans folklore, des situations de tous les jours : la rentrée scolaire, la prédication du curé, la partie de cartes, la distribution du courrier à la campagne, le mariage et le voyage de noces à la ville où l’on s’ennuie, ou encore l’encan ou la veillée funèbre. Publié à l’origine dans la célèbre collection « L’Arbre », aux Éditions Hurtubise HMH en 1966,Cœur de sucre marquait l’entrée de Madeleine Ferron dans la littérature québécoise. » (présentation de l’édition BQ) 

Voir aussi : La fin des loups-garous

25 juillet 2025

Olivier Marchand (1928-2025)

Olivier Marchand, un poète qui a compté pour beaucoup dans l’histoire littéraire, est décédé. Bien entendu, quand on pense à lui, on pense à Deux sangs, le livre fondateur des Éditions de l’Hexagone.

J’ai eu le plaisir de rencontrer M. Marchand, très brièvement. Il avait aimé la critique que j’avais faite de « Crier que je vis » et on a eu quelques échanges, surtout à propos des éditions Atys. 

Comme il allait à Québec avec des membres de sa famille, il m’avait donné rendez-vous sur le bord de l’autoroute pour me donner quelques-uns de ses livres (voir ci-dessous) avec une belle dédicace dans la rétrospective de l’Hexagone. La rencontre fut courte mais très sympathique. J’en ai gardé l’impression d’un homme généreux qui mordait encore pleinement dans la vie. 

Tout aimer jusqu'au dernier souffle
afin que rien ne se perde de l'offrande
et du temps de vivre
et du rôle d'homme

 

 

 

20 juillet 2025

Philtres et poisons

Philippe La Ferrière, Philtres et poisons, Montréal, éd. du cerbère, 1954, 167 p. (Avant propos d’Alain Grandbois) (Illustrations de l’auteur)

J’ai déjà présenté un recueil de La Ferrière (1891-1971) : La rue des forges, publié en 1932. Celui-ci est un peu différent, sans doute moins mordant, plus traditionnel. La Ferrière continue de doter ses personnages de noms abracadabrants, mais la plupart sont tout au plus des excentriques.

 

L'incorrigible

Hippolyte Fému a épousé Zéphirine Bardacier, bien que ce ne soit pas le grand amour. Il l’aime bien sans plus, mais elle est riche. L’omniprésence de la belle-mère dominatrice complique sa vie de couple. Quand celle-ci disparaît, les choses ne s’arrangent point. Il fuit la maison, se tient dans les bars. Elle essaie de le reconquérir sans grand succès.

 

Un raffiné

Fong Lee est cuisinier dans un camp de bûcherons. C’est un raffiné. On le malmène, on se moque de lui, jusqu’à ce que le patron exige qu’on le laisse tranquille. Il remercie les bûcherons et leur assure de sa gratitude : « Et, pour demeurer fidèle à la parole donnée, il cessa à l'heure des repas, d'imiter devant l'énorme soupière, le geste du Mannekin-Pis. »

 

Fantaisie sur un thème ancien

Zikda, une danseuse des Folies bergères, a été enlevée par le prince Rachid qui l’a amenée dans son pays. Félix le Mauricien (le lien n’est pas clair, mais tout indique qu’il en est amoureux) part à sa recherche. Le prince étant absent, on assiste à une mise en scène fastueuse, qui fait appel à tous les sens, de la part de Zelda pour reconquérir Félix.

 

Un érudit

M. Marmonnet, sa femme et M. Batistant se dirigent vers Percé. Ce dernier cherche des pêcheurs qui accepteraient de jouer dans son prochain film. Quant à M. Marmontel, il veut écrire un livre sur eux. Ce dernier engage un marin pour une excursion en mer. Il le questionne, le ridiculise, lui sert ses références latines à tout propos. Mais quand une tempête se lève, les connaissances livresques ne servent plus à rien…  Image sympathique de la Gaspésie.

 

Feu de paille

Mathias Dutremplin et Gisèle Crèvecoeur sont mariés depuis 10 ans. Madame, que le mari considère comme un beau bibelot, s’ennuie. Gérard Panthois, un ami du couple, amoureux depuis toujours de Gisèle, lui déclare sa flamme. Elle joue le jeu pendant une soirée sans aller trop loin. Elle avoue le tout à son mari. Ce dernier rencontre Panthois et lui reproche de ne pas avoir « satisfait le désir » de sa femme.

 

L'argent ne fait pas le bonheur

Nérée Pingoin, un forgeron vaillant et bon enfant, gagne une forte somme à la loterie. Il quitte son emploi et part avec femme et enfants pour Montréal. Il revient, sans femme et enfants, cinq ans plus tard, complètement ruiné et reprend son travail de forgeron. Les années passent, sa femme revient et ne voilà-t-il pas qu’il hérite d’une forte somme de son oncle défunt. « Je peux pas croire, batèche, que tout l’trouble va recommencer! … »

 

On est partagé en lisant La Ferrière. D’une part, on devine un esprit cultivé, mais en même temps ses récits sont languissants, manquent de vivacité. Il y a bien une chute parfois surprenante, mais est-ce suffisant? Est-ce dû au style très classique de son auteur? Ses personnages et leur drame n’arrivent pas à nous toucher et, contrairement à ce qu’on lisait dans son précédent recueil, la fantaisie n’est pas au rendez-vous.


Petite énigme autour de l’année de publication de cet ouvrage : en juillet 1948, dans Le petit journal, on annonce que Philtres et Poisons paraitra bientôt. Le 31 octobre 1948, dans Le Devoir paraît une publicité de Montréal Éditions où figure Philtres et poisons. En décembre 1950, dans L’Amérique française, on nous dit que « Noël des gueux » est extrait d’une nouvelle parue dans Philtres et poisons (elle ne s’y trouve pas dans l’édition de 1954) : « Noël de gueux » est extrait d’un recueil de contes intitulé Philtres et poisons; Il représente la première partie de « Nos actes nous suivent », un récit où le héros Arsène Bourré incarne le type du parfait cabotin ». Pour finir, dans le DOLQ, on ne fait aucune mention d’une édition en 1948. Rien non plus sur la BanQ ou sur SOFIA. Pourtant, tout semble indiquer qu’une première version, différente de la seconde, celle que j’ai, a été publiée en 1948. À compte d’auteur? À très petit tirage?  Édition privée?