26 novembre 2008

Au creux des sillons

Joseph Raiche, Au creux des sillons, Montréal, Edouard Garand, 1926, 58 pages.

Le recueil en serait un de contes et de nouvelles. En fait ce sont quatre nouvelles que nous présente Joseph Raiche.

La première nouvelle, Au creux des sillons, est elle-même subdivisée en très courts chapitres, parfois d’une page ou deux. Les voici. La Corvée : Les Corriveau, les plus gros habitants du coin, ont organisé une corvée pour essoucher un lopin en abatis de leur belle terre. Tous les voisins et voisines accourent. La journée de travail est suivie d’une soirée de danses. Paul, le fils des Corriveau, tombe amoureux de Jeanne, la fille de leur voisin Lamarre. Les granges qui ploient : La nature a été très généreuse et les granges sont pleines à craquer. Paul et Jeanne entretiennent leurs amours. Un nuage apparaît à l’horizon : leurs pères respectifs se disputent à propos d’une clôture mitoyenne. Quand le lin rouit : Les familles Lamarre et Corriveau accomplissent ensemble le brayage du lin. Les deux chefs de famille s’empoignent assez violemment à propos de la clôture litigieuse. Paul et Jeanne, qui veulent se marier, se promettent de calmer les esprits. Le litige : Corriveau et Lamarre, après le battage, vont consulter des avocats. Ces derniers exigent qu’un arpenteur vienne tirer la ligne. Surprise, la clôture est bien là où elle devrait être. Trop rendus loin dans leurs chicanes, les deux hommes, aiguillonnés par des voisins malveillants, continuent de se chamailler. Bonjour bon an : La femme de Lamarre meurt et les Corriveau ne lèvent pas le petit doigt. Les Fêtes passent sans que les deux hommes se réconcilient. Les amoureux se voient en cachette. Le Procès : Corriveau décide de passer aux actes. Le procès qui s’ensuit innocente Lamarre. Furieux, il va en appel mais perd encore. Corriveau, qui doit débourser tous les frais, est ruiné. Il doit vendre sa terre. La vente : Le ménage, souvent hérité des ancêtres, les bestiaux, les outils, tout est vendu. Malgré tout, Jeanne promet à Paul un amour immortel. Lamarre, triste, observe de loin la scène. Le départ : Les Corriveau s’installent en ville, où ils trouvent de petits emplois. La famille se disloque. La réconciliation : Deux mois passent. Paul écrit à Jeanne que son père consent à leur mariage. Le père de Jeanne a une idée généreuse : ses nouveaux voisins veulent vendre la terre acquise des Corriveau et Lamarre est prêt à avancer l’argent à Jeanne et à Paul pour qu’ils puissent la racheter. Le mariage est prévu pour le printemps. La rançon de la haine : Au jour de l’An, une mauvaise nouvelle attend Jeanne. Son fiancé, qui travaillait comme débardeur, a été tué dans un accident. Jeanne, après un moment de révolte, se résigne.

AU GRÉ DES FLOTS
Nous sommes au Cap breton. C’est la fête de l’Assomption. Comme c’est la tradition, tous les marins doivent rentrer au port. Après la messe et les discours d’usage, a lieu la danse. Pierre Legrand flirte avec les deux sœurs Larade, Hortense et Mai. Hortense, fille robuste, est amoureuse de lui tandis que la fragile Mai l’aime bien sans plus. Il retourne en mer et revient à l’automne. Il passe ses soirées entre les deux sœurs sans marquer sa préférence. Et un jour, il demande Mai en mariage, laquelle s’en remet au bon vouloir de son père, qui voit d’un bon œil cette union. Hortense est dévastée. Mai donne naissance à un fils mais meurt. Hortense, toujours folle d’amour pour Pierre, prend en charge l’enfant et son beau-frère. Les années passent. Sur son lit de mort, elle lui révèle son secret. Pierre a des regrets.

LE MENDIANT
Un vieux mendiant rencontre une mendiante. Les deux font route ensemble. Ils se revoient l’année suivante et veulent se marier. Ils se donnent rendez-vous dans un an. La vieille n’est pas au rendez-vous. Le vieux finit par découvrir qu’elle est morte au bord d’une route.

FRIMAS ET VEGLAS
Pierre Benoit et sa femme s’embarquent pour la Nouvelle-France. Ils s’installent dans la seigneurie de Bellechasse. Ils ont laissé en France leur petite Marie, en attendant que l’aisance leur vienne. En Nouvelle-France, ils adoptent un petit orphelin. Les années passent, ils atteignent l’aisance désirée, mais ne font pas venir leur fille. Quand la dame Benoit meurt, le père demande à sa fille de venir la remplacer, mais il meurt avant qu’elle arrive. Sur son lit de mort, il demande à son fils adoptif, maintenant âgé de trente ans mais en paraissant quarante, d’accueillir sa fille et de lui remettre son héritage. Quand la jeune fille le voit, elle croit qu’il est son père. Lui, voyant sa joie, ne dit mot. Les semaines passent et il ne peut se démentir au risque de perdre cette jeune fille dont il est amoureux. Pourtant, elle, elle est courtisée par un jeune voisin et un mariage s’annonce. Il se résout à lui dévoiler son amour. Pourtant, au dernier moment, il décide de se taire, laissant sa « fille » tout à son bonheur.

Ce sont quatre petites histoires tout à fait dans la veine de l’époque. Tout y est modeste : l’écriture de Raiche, ses intrigues un peu mélo, ses personnages esquissés. Le seul intérêt est ethnologique : Raiche donne une image (modeste, elle aussi) des coutumes et métiers d’autrefois.

Extrait
Un beau matin de la mi-juillet, une trentaine d’hommes robustes, avec leurs chevaux et leurs outils de défrichement, arrivèrent à la maison de Corriveau. C’étaient les fermiers voisins accompagnés de leurs grands fils. Ce contingent se dirigea vers le champ de souches calcinées. Les chevaux faisaient sonner leurs attelages et les hommes riaient à gorge déployée des plaisanteries faciles qu’ils échangeaient. Ce fut une ruée générale au dernier vestige de la forêt, qui cédait, vaincue devant tant de bras aux muscles saillants. Leur travail était prompt et effectif. On attachait un crochet au moyen d’une chaîne autour de la souche, et on faisait donner aux chevaux un fort coup qui arrachait l’arbre, fouillait le sol et laissait les racines à nu. Ces hommes se regardaient et riaient de se trouver si noirs du charbon de tant de branches carbonisées. Le travail progressait. Corriveau allait des uns aux autres, encourageait, félicitait et distribuait de grandes bolées de bière faite à la maison.

Les voisines s’étaient également réunies pour aider à la préparation du repas de midi. Il fallait un dîner substantiel pour ces hommes qui faisaient un si rude travail. On leur servit donc une bonne soupe grasse aux choux, de gros morceaux de lard blanc comme du lait, des tartes aux pommes enveloppées d’une croûte dorée. On réservait les plats délicats, les viandes fines pour le repas du soir, qui était le banquet du jour, suivi d’une danse. (
BeQ, pages 8-9)

Joseph Raiche sur Laurentiana

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