2 septembre 2010

La Fin du voyage

Albert Laberge, La Fin du voyage, Montréal, Chez l’auteur, 1942, 411 pages. (Tiré à 75 exemplaires; signé par l’auteur; deux portraits de l’auteur dont un par Iacurto)

Entre 1936 et 1953, Albert Laberge a écrit sept recueils de nouvelles qu’il a publiés en édition privée à faible tirage. Parue en 1942, La Fin du voyage totalise vingt-quatre nouvelles. Le recueil est dédié au docteur Jules Laberge, l’oncle de l’auteur. On a même droit à une courte biographie de ce « cher oncle […] qui a illuminé » sa jeunesse.

Les deux réflexions qui précèdent les nouvelles en donnent le ton : « … des vies précaires, misérables, sordides, calamiteuses, crapuleuses, sur lesquelles pèse la fatalité, que guide un destin contraire… » et : « La vie n’est ni juste ni injuste. Elle est simplement la vie. Elle ne fait pas faillite, car elle ne promet rien. Souvent, nous lui demandons des choses impossibles et si nous ne les obtenons pas nous l’accusons. »

La fin du voyage - Trefflé Dignalais, un être grossier et violent, peu attiré par la terre, connaît de multiples déboires financiers.

Les chauves souris - Un jeune homme épouse la fille de la maîtresse de son père décédé. Sa mère, ulcérée, sur son lit de mort, lui promet de grands malheurs.

La pension Rapin - Madame Rapin, pour pallier la pauvreté de sa famille, ouvre une pension à La Malbaie durant l’été. Elle réussit à engranger 400$ mais doit les donner à son fils, frivole et instable, pour qu’il évite la prison.

Le mouton noir - À cinq ans, Julien Chantereau fut donné à sa grand-mère. Celle-ci le prit en grippe. L’enfant commit un vol et fut mis à l’école de Réforme. Il en sortit cinq ans plus tard, complètement révolté, décidé à tout faire pour ternir l’image de sa « belle » famille.

Les trois sœurs - Trois sœurs, trois femmes malheureuses en ménage, trompées ou abandonnées…

Confidences - Un homme n’accepte pas que sa nouvelle épouse enlève le portrait de l’ancienne qui s'est suicidée après que son amant l’eût quittée.

La plus belle soirée de sa vie - Un vieux couple bourgeois assiste au spectacle d’une chanteuse. À la fin du spectacle, celle-ci lance quelques roses. Le mari fanfaronne devant sa femme parce que la chanteuse lui en a lancé une. Frustrée, sa femme lui révèle qu’elle le trompe depuis dix ans.

Propos de Diogène - Le narrateur revoit un avocat avec lequel il était lié, il y a longtemps. Celui-ci, écœuré des avocasseries et du monde moderne, vit la simplicité volontaire avec sa femme en Gaspésie.

La maison - Pour avoir épousé un lâche et un vaurien, juste bon à lui faire des enfants, Malvina Leroy mène une vie minable. Son rêve d’avoir sa propre maison se concrétise, quand son frère lui lègue la sienne par testament. Elle n’en profitera guère : elle meurt au bout de huit jours.

Le Whistling Kid - Le « Whistling Kid » donne des tuyaux aux parieurs qui suivent les courses de chevaux. Il en vit misérablement. Un jour, un propriétaire d’écurie lui propose de gérer sa ferme. Au bout de quatre mois, il abandonne travail et sécurité, préférant son ancienne vie.

Mame Pouliche - Mame Pouliche a passé sa vie à vider les crachoirs et à nettoyer les toilettes d’une compagnie d’assurances. Épuisée, elle meurt d’une syncope sur les lieux de son travail.

L'art de se la couler douce - Tancrède commença par planter des quilles. Puis, il devint prostitué pour hommes. Enfin il se trouva une femme. Bientôt, son ami Michael vint habiter avec eux et c’est lui qui partagea le lit de sa femme et qui fit vivre la maison. Quand cette dernière mourut, Tancrède épousa sa belle-sœur, veuve. Et c’est encore Michael qui partagea le lit de cette dernière.

Le Cheval blanc - Trefflé Daussois, dit le Cheval blanc, était fossoyeur. Sa richesse était proportionnelle au nombre de morts dans l’année.

Le valet de ferme - Un garçon de ferme, fiable et rangé, change du tout au tout quand son patron se départit de ses services. Il boit, joue aux cartes, fréquente une veuve à la réputation douteuse et vole.

II maria sa fille - Isidore Tamareau rêve d’une automobile. La mort de deux de ses filles l’en a empêché jusqu’ici. Et voici que sa dernière fille est aussi malade. Il décide de lui trouver un mari afin de lui refiler les frais du médecin et des obsèques.

Une faillite - La fille d’un homme rangé, amoureuse d’un joueur en bourse, dilapide la fortune de son père malade. Enceinte, elle se suicide.

Les deux frères - Deux frères mènent des vies opposées : l’un est sage et économe, l’autre frivole et dépensier. Pourtant, les deux vivent la même pénible vieillesse.

L'héritage - Louis Pruneau s’attend à hériter de son beau-frère qui gère de grosses affaires dans l’Ouest canadien. Il découvre, à sa mort, qu’il est ruiné. C’est lui qui paie pour le faire enterrer.

La rencontre - Le client d’une jeune prostituée découvre qu’elle est la fille de son ancienne amante.

La rouille - Francis Lauzon laisse la terre paternelle à son frère et va s’établir dans l’Ouest. À force de vaillance, il défriche quatre fermes, une pour chacun de ses gars. Ses deux plus vieux meurent, son troisième perd une jambe et le dernier n’est pas intéressé par la terre. Pire encore, à 45 ans, Lauzon meurt d’un cancer.

L'échéance - Un avocat prospère, qui mène un grand train de vie avec sa femme et ses deux filles, se lance dans le faux et la malversation quand ses affaires périclitent. Il finit en prison.

Un après-midi de congé
Une jeune fille, qui prend soin d’une vieille dame, décide de s’offrir un après-midi de congé en l’absence de ses patrons partis en vacances. Elle rencontre un jeune homme qui la viole. Elle se jette dans la rivière.

Lorsque revient le printemps
Dans un petit village fictif, Potasses, la destinée misérable de différents personnages.

La vocation manquée - Comme Gaspard Bergevin est plutôt faiblard, son père décide de le faire instruire et d’en faire un curé. À sa troisième année, il est renvoyé de son collège pour avoir, par bravade, dit au confessionnal qu’il avait lu des livres défendus. La même année, ses parents meurent. Il gagne péniblement sa vie, mange trop peu et trop mal, tombe malade et meurt seul dans une petite chambre miteuse.

Tous ces résumés donnent une idée assez juste du pessimisme de l’auteur. Aucun personnage ne réussit sa vie. Quand ce n’est pas la méchanceté des hommes, c’est la vie elle-même qui se charge de lui. Laberge affectionne les personnages laids, vicieux, méchants, les paysages sinistres, les revers de la vie, la maladie et la mort. L’argent joue un grand rôle dans la vie de ses personnages, mais il est toujours source de malheur, autant pour ceux qui en ont que pour ceux qui en rêvent. Paysans ou bourgeois, pas de différences! Tous de la racaille, des malchanceux ou des ratés!

On se moque parfois des romans à l’eau de rose; on pourrait en faire tout autant des récits de Laberge. Là, tout est toujours beau; ici, on baigne dans une crasse sans contours. Malgré quelques très bonnes nouvelles, il vient un temps où l’on n’y croit plus, surtout que le livre compte 415 pages!

Les meilleurs récits :
« L’art de se la couler douce »
« Il maria sa fille »
« La rencontre »
« La rouille »

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