28 mars 2012

Le Mariage blanc d’Armandine


Berthelot Brunet, Le Mariage blanc d’Armandine, Montréal, L’Arbre, 1943, 210 pages.

Brunet présente les 10 récits qui composent son recueil comme des contes. En fait, ce sont des nouvelles, même si la présence du narrateur qui s’adresse au lecteur est davantage le fait des contes. J’ai déjà présenté Les Hypocrites du même auteur.

Le mariage blanc d'Armandine
Ferdinand et Armandine se sont mis en ménage sans amour. Le mariage n’est pas « consommé ». La bisbille finit par les rattraper. Armandine en veut tellement à Ferdinand que, même mort, elle continue les procédures de divorce amorcées de son vivant.

Le bâton de vieillesse
Une veuve met tous ses espoirs sur le plus jeune de ses trois enfants. Elle espère en faire un prêtre.

La prévoyance de M. Lapointe
M. Lapointe s’est marié sur le tard. Très religieux, il se culpabilise du fait qu’il n’a pas d’enfant. Il en adopte un qui meurt, puis un second qui va lui poser bien des ennuis surtout lorsqu’il deviendra veuf. Pourtant, ce mauvais fils va remplir le vide de sa vie.

Les méfaits de la poésie
Une vieille fille, en apparence bien sous tous rapports, vit seule avec son neveu, un grand niais de 16 ans qu’elle essaie sans succès d’éduquer. Par bigoterie (la peur des spectacles), elle s’oppose à ce qu’il aille s’amuser au cirque dans la ville voisine. Il passe outre et elle tombe malade. Le médecin et le curé, accourus, découvrent qu’elle vit dans la crasse.

Le méchant
Depuis son enfance, Jules Langlais déploie sa morgue hautaine sur son entourage. Pour son plus grand malheur, en se mariant, il achète un journal à sa femme. Elle finit par lui voler la vedette. Jaloux, il emploie les grands moyens pour s’en débarrasser.

Le vendu
Le docteur Duprat est médecin chef dans une clinique pour malades mentaux. Il présente au narrateur quelques-uns des patients bizarres qu’il doit traiter.

L'Irlandais
Arthur Pesant est avare et usurier. Il exploite de pauvres Irlandais, alcooliques pour la plupart. À sa mort, son frère prend la relève.

Coadjutrice
Florestine Huspé est une vieille fille dont la dévotion et le dévouement pour les œuvres paroissiales sont sans limite. Un jour, elle commence à organiser des tombolas pour ses œuvres. Elle y prend tellement goût que le curé et l’évêque doivent intervenir pour qu’elles cessent ses activités caritatives.

La photo de M. Robert
Maurice déteste ses parents. En fait, il en a honte. Son père est un petit commis. Sa sœur ainée, vu sa ressemblance, est probablement la fille du patron de son père. Maurice en est jaloux.

Le naïf
Autobiographie de l‘auteur : comment devient-on un notaire alcoolique, dopé, repenti sur le tard.

Berthelot Brunet, c’est un style, une certaine affèterie qui passe mal l’épreuve du temps, lorsque trop appuyée. Tous ces personnages sont ce que Fréchette aurait appelé des « originaux et détraqués » : le plus souvent, des monomaniaques. Le récit s’ouvre souvent sur une réflexion. Plutôt qu’un pan de vie, c’est l’existence au complet du personnage qui est mise en scène. Les chutes ne sont pas toujours bien trouvées. « Le mariage blanc d'Armandine » et « Le bâton de vieillesse » sont assez typiques de sa manière.

Extrait
Comme tant de villageois, il avait fait fortune dans l'épicerie, il s'était enrichi dans la boisson. Arthur Pesant était allé chez les Frères pourtant, il avait fait un bon cours commercial, et, quand on quitte le collège à 18 ans, autant dire qu'on a poursuivi son cours classique. Pesant aurait su compter sans cela, mais, au collège, il gardait une belle main d'écriture, et quand il lui arrivait de composer une lettre, ce qui était rare, il ne s'y trouvait pas de fautes d'orthographe. Dans son village, on disait d'Arthur Pesant, d'abord qu'il avait réussi et ensuite qu'il était instruit.

Il n'avait pas de qui tenir cependant. Son père, marchand général, le marchand général étant en Laurentie une institution comme le notariat ou la prêtrise, le père Pesant avait Arthur s'installa au comptoir de l'épicerie, et il y passa vingt ans. Ces vingt années, il les passa en vérité derrière le comptoir, puisqu'il ouvrait à 5 heures 30 et fermait à minuit. Il vendait du gin à la mesure, et, aux connaissances sûres, le whisky au verre. A peu près pas de crédit, du cash presque toujours. Un homme aussi avisé qu’Arthur ne prit pas de temps à mettre de l'argent de côté. Il s'était établi un budget, et, lorsque les recettes dépassaient telle somme, il en distrayait les trois quarts pour prêter chez les notaires sur première, et le reste, à la petite semaine, ce qui était aisé, les voisins d'Arthur étant toujours à court d'argent. L'usurier pouvait contrôler facilement, et il ne risquait pas de se faire rouler, puisque, le jour de la paye, ces grands enfants, Irlandais pour la plupart, venaient l'entamer chez lui. Quand ce n'était pas le mari, la femme se montrait, soit pour les provisions, soit pour les bouteilles de bière dont elle se faisait cadeau, le samedi.
Arthur Pesant s'était aménagé une chambre dans l'appentis derrière le magasin. C'est là qu'il gardait ses vêtements et, surtout, ses livres. Ses livres : entendez les grands cahiers où s'alignaient en colonnes minutieuses ses comptes. (p. 147-148)

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