13 juin 2014

Mon cœur et mes chansons

Janette Bertrand, Mon cœur et mes chansons, Montréal, Pascal, 1946, 92 pages.

L’épigraphe va ainsi : « L’amour, c’est beaucoup plus que l’amour. Comment démêler un sentiment si simple ? Il y entre toujours autre chose, l’âme après les sens, l’âge, la douleur… » Jacques Chardonne

Dans Mon cœur et mes chansons, Janette Bertrand choisit de parler d’Amour avec un grand A. Même si de temps à autre, très rarement en fait, l’amour est conçu au sens plus large, le plus souvent il s’agit de sentimentalité, des rêves et des dépits d’une adolescente. On est un peu surpris par cette jeune fille, si avide d’amour qu’elle est prête à accepter n’importe quoi. « Qu’il me déteste! / Mais qu’un sentiment fasse trembler sa lèvre. / Qu’il me batte! / Mais qu’il s’occupe de moi! » Avec Janette, sait-on jamais, ce « je » qui s’exprime avec autant d’impudeur, est-ce vraiment le sien? L’incompréhension des hommes, la peine amoureuse, l’amant cruel auquel elle donne la parole, le sentiment d’abandon, inspirent la poète :


Pourquoi te retiendrais-je
Quand ton désir est ailleurs ?
Pars. Sans me regarder pleurer
Et frémir comme une feuille esseulée.
Pars.
La vie sera belle
Sans  moi, tu sais.
Pars, avant que je te crie la vérité,
Avant que finisse mon hypocrisie,
Et que tu lises dans mes yeux
Cette plainte,
Cette supplication :
Mon amour, ne pars pas !

La poète (ou la jeune fille) finit quand même par prendre une certaine distance :

La vie est-elle si morne, si décevante,
Qu'il faille attendre,
Toujours attendre ?
Tenir le bonheur au bout d'un fil,
Et passer sa vie à tirer sur le fil ?
Le ciel est gris et ennuyeux.
J'attends.
J'attends  quoi ? Tout.
La plénitude, la largesse.

C’est sûr que le tout est mièvre, plein de candeur, et le ton, plus près de la chanson que du poème. On trouve quelques poèmes de forme fixe (chanson, pantoum), une « Berceuse à ma mère » et un « Sourire d’enfant » tout à fait dans l’air du temps.  Et parfois, on rencontre des images surprenantes : « Toute la nuit j’ai lu ; toute la nuit j’ai vécu, / Alors que les vivants, plus que les morts, / Dorment goulûment. »; « Quand le vent savonne le fleuve »; « La rosée humecte le sombre pyjama / Qu’endosse la terre pour dormir ». Elle donne aussi des passages qui, par leur simplicité, ne sont pas dépourvus d’un certain charme : « Et je suis revenue / Avec le goût d’un gâteau / Savouré pleinement, / Et la vision d’un beau soir bleu / Qui m’enveloppait, me tuait. »

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