9 février 2017

Journal d’un bibliophile

Adélard Lambert, Journal d’un bibliophile, Drummondville,  Imp. «La Parole» Ltée, 1927, 142 pages.

Adélard Lambert  est né à Saint-Cuthbert, en 1867. Ses parents déménagent aux États-Unis lorsqu’il a deux ans. Malgré quelques retours au Québec, l’essentiel de sa vie se déroulera dans les états du nord-est américain. À l’âge adulte, il vivra surtout dans la communauté franco-américaine de Manchester. En 1921, il rentre au Québec et deviendra l’un des principaux collaborateurs de Marius Barbeau.

Le titre le dit bien, l’auteur va raconter son expérience de bibliophile. Rien ne le prédestinait à le devenir, lui qui a quitté l’école à 16 ou 17 ans. Ses premiers livres, ce furent des récompenses scolaires de fin d’année. Ses véritables débuts de collectionneur datent de la fin des années 1880. Il commence à acheter les auteurs de l’époque : Casgrain, Fréchette, Lemay, Beaugrand, Laure Conan, Dick et il s’abonne à des revues qu’il fait relier et collectionne. Ainsi il monte, en l’espace de trois ans, une bibliothèque de « cent cinquante volumes presque tous reliés ».

Mais c’est surtout lorsqu’il devient commissionnaire (colporteur) que son expérience devient intéressante. Il rentre chez les gens – des Franco-américains - toujours à l’affût de livres dont ils veulent se débarrasser ou qu’ils acceptent de vendre. Un jour, il recueille 68 canadianas, disposés près du poêle, pour alimenter le feu. Ainsi il va dénicher des livres très rares, comme : Les Voyages de la Nouvelle France Occidentale, de Samuel de Champlain (1632); Nouvelle Découverte d'un Très Grand Pays Situé Dans l'Amérique, de Louis Hennepin (1698);  Journal Historique Du Dernier Voyage, de Henri Joutel (1713). En 1912, il a 1500 volumes canadiens.  En 1918, sa collection en contient 4000. Il est à l’aube de la cinquantaine et craint pour la survie de sa collection. Il décide de la vendre à l'Association canado-américaine de Manchester. La collection Lambert existe toujours, bien entendu.  Elle est dans la Geisel Library au Saint-Anselme collège (New Hampshire). On peut faire des recherches en ligne dans le catalogue de cette bibliothèque. Par exemple, une recherche sur l’auteure Laure Conan donne cinq titres.

Voilà un livre qui avait tout me plaire, mais, tout compte fait, Journal d’un bibliophile est un peu décevant… parce qu’on n’y parle pas suffisamment de livres. Il est difficile de concevoir un collectionneur de livres qui ne soit pas aussi un ardent lecteur. Or, on en sait très peu sur les lectures de l’auteur. On est aussi étonné qu’une personne qui fréquente les livres avec autant de passion soit aussi peu ouvert d'esprit (lire l’extrait). L’auteur marche main dans la main avec les curés (« Nos prêtres doivent rester toujours les pères de la nation. ») ce qui peut expliquer sa moralité austère, janséniste. Il faut le faire, répudier Les Trois mousquetaires! L’auteur était aussi un ardent patriote et parfois son nationalisme l’aveugle : il se laisse emporter dans des débats - et il nous les décrit en long et en large - qui n’ont plus rien à voir avec la bibliophilie. 


Adélard Lambert
Extrait
« Je n’ai jamais cherché à connaître les œuvres de Voltaire, de Rousseau, de Renan ou d’Anatole France. 

La lecture d’une couple de romans d’Alexandre Dumas me prouva que ce farceur, outre les nombreuses scènes d’immoralité que contenaient ses œuvres, persistait à amoindrir le caractère sacré de ceux qui ont mission d’élever le moral dans l’âme de l’individu.

Ma curiosité ne fut jamais assez éveillée pour que je me complusse à déguster du Balzac, du Kock, du Sand, qui furent cependant surpassés par le triste ordurier Zola, ce prétendu réaliste qui a empesté, sali et abaissé tout ce qu’il y avait de plus noble et de plus généreux dans l’âme de l’homme ; ce fut un traître à la nation française tout entière. 

Que l’assommoir de ce gargotier ne retombe que sur ses admirateurs panthéonniens. 

De mes premières lectures d’auteurs français, « Le loup blanc » et « Roger Bontemps », de Paul Féval, étaient aussi captivants et intéressants que la gargouille des auteurs plus haut nommés. » (page 104)


Lire sur l’auteur : le journal Ça m’chicotte, page 4.

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