28 avril 2017

En racontant…

John Uriah Gregory, En racontant. Récits de voyages en Floride, au Labrador et sur le fleuve Saint-Laurent, Québec, Typographie C. Darveau, 1886, 245 pages. (Traduction : Alphonse Gagnon)

Le Labrador (ancienne appellation de la Basse-Côte-Nord) est assez bien représenté dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Jean-Baptiste Ferland (Le Labrador, 1860), Faucher de Saint-Maurice (De tribord à babord, 1877), Zacharie Lacasse, (Trois contes sauvages, 1882) Henry de Puyjalon (Récits du Labrador, 1894), et Victor Huard (Labrador et Anticosti, 1897) ont tous laissé un témoignage de leur passage dans cette région isolée du reste du monde.

John Uriah Gregory (1830-1913) était chef de bureau du Ministère de la Marine à Québec. Mes recherches me laissent croire que son livre, traduit par Alphonse Gagnon, n’a jamais paru en anglais. Trois textes portent sur la Basse-Côte-Nord. Il faut lire cette oeuvre (plus autobiographique, ethnologique que littéraire) comme le témoignage d’une époque.  

Les Pêcheurs du Labrador
« Au commencement de l’automne de cette même année, le gouverneur-général, alors Lord Monck, reçut une lettre du capitaine du vaisseau le Sphinx, revenant d’une croisière sur la côte du Labrador, attirant son attention sur l’état déplorable des pêcheurs, et citant, en particulier, le cas d’une famille de la baie Bradore, appelée Jones. » On est en septembre 1868. Gregory va visiter cette famille Jones et d’autres pêcheurs qui meurent littéralement de faim avec mission de les aider. Le bateau, plein de victuailles, l’amène directement à Blanc-Sablon. La chasse aux loups-marins est le principal gagne-pain de ces gens. Les pêcheurs côtiers font la chasse avec des seines, mais encore faut-il que les bêtes daignent passer près des rivages. Ils ne font pas le poids face aux bateaux commerciaux qui peuvent chasser les bêtes sur les banquises. L’auteur va s’arrêter à plusieurs postes en remontant le fleuve. En plus de la chasse aux phoques, différents sujets vont être abordés : le chien esquimau et le cométique, la chasse à la baleine, la surexploitation des ressources, l’exploitation des pêcheurs par les trafiquants, la chasse sur le continent...

En Floride
Voyage touristique. Un train l’amène à New York, un bateau à Savanah et un autre bateau à Jacksonville. Gregory s’intéresse au climat, à la culture des oranges, des arbres fruitiers, à l’agriculture. « Nous fîmes feu sur eux à droite et à gauche, et, si l’on peut en juger par les jets d’eau qu’ils provoquèrent, nous dûmes en (les caïmans) atteindre plusieurs. »

Le Fleuve Saint-Laurent  - Le Fleuve Saint-Laurent - Navigation d’hiver
Chapitre très technique, dans lequel le fonctionnaire Gregory énumère les différents moyens mis en œuvre par le gouvernement pour faciliter la navigation sur le fleuve, été comme hiver. 

L’île d’Anticosti et ses naufrages
Après avoir énuméré les ressources de l’île et précisé les moyens mis à la disposition des navires pour éviter les naufrages (phares, cornes de brume, réserve de nourriture), l’auteur va raconter quelques-uns des naufrages célèbres dont Anticosti fut le théâtre.  La moitié du chapitre est consacré au  naufrage de la Renommée en 1736 et surtout au difficile hiver de survie qui s’ensuivit. Gregory cite le récit que Faucher de Saint-Maurice en a fait dans De babord à tribord. Il passe plus rapidement  sur d’autres naufrages célèbres : celui de l’amiral Phipps en 1690, ceux du Bristolian et du Pamlico en 1880, celui du Granicus en 1828, celui de Walker à l’île-aux-Œufs en 1711.  Pour terminer, l’auteur termine en expliquant que la récente colonisation de l’île (fondée sur la culture de la patate) assure aux rescapés de meilleures chances de survie.

Une Baleine dans le port de Québec
Histoire humoristique. Un pêcheur a trouvé à « vingt-quatre milles en bas de Québec, et à cent milles de l’eau salée » une grosse baleine échouée sur le rivage. Il l’a remorquée jusqu’à Québec et il offre à Gregory la possibilité d’exploiter le cadavre (huile, les os). Ce dernier, tout fonctionnaire qu’il soit en 1872, accepte la proposition. Ce qui devait s’avérer avantageux au plan pécuniaire, tourne au désastre : les visiteurs accourent, on les fait payer, mais au bout de trois jours un inspecteur de l’hygiène l’oblige à débarrasser le port de cette « puanteur ».  Ceci n’est que le début d’une suite de déboires : le narrateur va perdre de l’argent et voguer d’ennuis en ennuis.

Dans le Bas du Fleuve
« En juillet 1872, mes devoirs officiels m’obligèrent à visiter la côte du Labrador, en bas de la Pointe de Monts. » À la suite d’une tempête, Gregory doit passer une nuit chez un guide. C’est là qu’il rencontre une femme instruite, madame Gitony, qui vit dans ces lieux éloignés de tout. Elle lui raconte un peu sa vie, en partie passée sur l’île d’Anticosti. Gregory parle aussi des gardiens de phares, dont plusieurs étaient instruits. « Il est des personnes qui deviennent tellement éprises de la vie sauvage et libre des bois que, malgré ses fatigues, ses privations, ses luttes contre la faim, un séjour de quelques mois dans une grande ville leur devient ennuyeux au point qu’elles aspirent bientôt à reprendre leur première occupation ; ce qui arrive fréquemment. »  

Un oiseau sans plumes 
Histoire humoristique. Gregory accompagne un « gentilhomme » qui est aussi  « un savant et un littérateur d’un grand mérite » dans une excursion de pêche. Ce dernier ne cache pas sa déception quand Gregory s’avère incapable de répondre à ses questions sur la botanique et la géologie. Mais il tient sa revanche quand le prétentieux gentilhomme confond le chant d’une grenouille avec celui d’un oiseau.

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