26 mai 2017

Opuscules (Ferland)

Jean-Baptiste-Antoine Ferland, Opuscules, Québec, Imprimerie A. Côté, 1877, 182 pages. (1re édition : La Littérature canadienne de 1850-1860 , vol. 1, p. 259-274 et p. 289-365 Québec : Desbarats et Derbishire, 1863-1864 publiée par la direction du « Foyer canadien ».)

Jean-Baptiste-Antoine Ferland (l’abbé Ferland) est décédé en 1865. D’abord historien, et professeur émérite selon les témoignages de l’époque, Ferland est surtout connu pour son Cours d'histoire du Canada, 1867, entrepris pour corriger l’histoire de Garneau, trop libérale pour les conservateurs ultramontains. Opuscules contient deux titres : Louis-Olivier Gamache et Le Labrador.

LOUIS-OLIVIER GAMACHE
L’histoire de Louis-Olivier Gamache a été très exploitée en littérature québécoise. Le personnage est devenu une légende.  Plusieurs anthologies en ont fait leurs choux gras, par exemple Robert Choquette : Le Sorcier d’Anticosti et autres légendes canadiennes en 1975. J’ai déjà présenté cette histoire et je n’y reviendrai pas.  Voir ici.

LE LABRADOR
La seconde partie du livre, Le Labrador, raconte le voyage de l’abbé Ferland sur la Basse-Côte-Nord (Le Labrador à l’époque). Le 20 juillet 1858, il quitte Québec pour porter secours au seul missionnaire en poste sur la basse-côte, le Père Coopman, malade. Ferland va rejoindre à Berthier la Marie-Louise, une goélette qui doit se rendre à Blanc-Sablon, en s’arrêtant un peu partout sur la Côte. La vitesse du périple dépend des vents, des courants et des marées. À partir du 29 juillet, la Marie-Louise côtoie successivement Mingan, Pointe-aux-Esquimaux (Havre-Saint-Pierre) et Nataskouan (sic) où elle doit s’arrêter à cause des courants contraires. Là sont établies une quinzaine de familles acadiennes. Par la suite, les voyageurs croisent plusieurs postes (Kégashka, Maskouaro, La Romaine et Wapitugan) où vivent  des familles acadiennes. Le 4 août, la Marie-Louise longe Gros Mécatina, Natagamiou, Tête-à-la-Baleine avant de faire escale à la Tabatière, la « métropole du canton », où l’abbé Ferland doit « donner une mission » aux douze familles catholiques qui résident aux alentours. Le 8 août, il quitte la Tabatière  pour Grosse-Île de Mécatina. Le 12, il reprend la mer, il débarque à  Chikapoué le 13 et au poste de Saint-Augustin le 14. On lui apprend que le Père Coopman est guéri et a repris sa mission. Le 17, le voyage reprend en direction de Blanc-Sablon. On croise ici et là des habitations humaines et des ports très fréquentés, entre autres celui de Bonne-Espérance où mouillent une cinquantaine de goélettes. Trois jours plus tard, les voyageurs parviennent à Blanc-Sablon, terme du voyage. Le 21 août, la Marie-Louise amorce son retour à Québec. L’équipée fait escale dans la Baie de Brador (où mouillent 50 à 60 vaisseaux) : Ferland dit la messe devant 200 hommes. Le 26 ils sont de retour au port de Bonne-Espérance, le 31 à la Tabatière où l’on charge des marchandises, le 2 septembre à Nataskouan, le 7 dans la baie de la Trinité, le 10  à l’Île-Verte. La Marie-Louise, perdue dans les brumes, heurte un gros bateau et dérive jusqu’à l’embouchure de la rivière Saguenay. Le 12 septembre, Ferland embarque dans une grosse chaloupe pour se rendre à Rivière-du-Loup et le 14, il est de retour à Québec. Le voyage a donc duré un peu moins de deux mois.

Opuscules est un récit de voyage informatif. Rien à voir avec le récit de voyage romantique initié par Chateaubriand dans Itinéraire de Paris à Jérusalem en 1811. On peut supposer que l’abbé Ferland s’est servi de notes très précises puisque les dates marquent bien le jour à jour des déplacements, des visites, des services religieux, des distances parcourues. Il y a tout au plus quelques passages thématiques plus développés (la chasse aux loups-marins, la chasse à la baleine, la pêche du homard, les chiens du Labrador, la présence des ours) qui ralentissent, l’espace de quelques pages, le défilement chronologique du voyage. Ferland ne dit à peu près rien du capitaine (son nom est Blais), de l’équipage, de la vie sur le navire, des autres passagers. Il n’épanche pas son âme sur les paysages, sur les découvertes. Il n’est jamais au centre du récit même quand il se met en scène.

On sait que Ferland était une sommité en botanique. De ce voyage, il a rapporté plusieurs spécimens de fleurs et Ovide Brunet (1826-1876),  un de ses anciens élèves du collège de Nicolet, en a rendu compte dans un appendice au récit de son maître (Littérature canadienne, pages 367 à 374).

Bien entendu, il discute de sa mission religieuse, c’est le but de son voyage.  Mais on ne peut pas dire pour autant que c’est l’élément le plus développé de cette relation. La raison en est bien simple : il rencontre peu de fidèles et les services donnés ne le sont souvent que pour quelques familles. Il signale les chapelles et églises existantes, situe l’emplacement qui se prêterait à l’établissement d’une église. Après avoir témoigné de la qualité de la foi des fidèles rencontrés, il souligne le vide que constitue l’éloignement de la religion pour ces catholiques perdus dans la sauvagerie. Il n’est pas dupe du fait que les Autochtones pratiquent la religion catholique du bout des lèvres.

Ce qui semble l’intéresser par-dessus tout, ce sont les occupations des Labradoriens, leurs moyens de subsistances, pour tout dire le commerce qui s’effectue en ces lieux. Tout au long de son périple, il signale les postes où la Marie-Louise s’arrête : certains d’entre eux appartiennent à la compagnie d’Hudson, d’autres à des intérêts privés. Il tente de jauger de la rentabilité des entreprises. Il note aussi l’étonnante quantité de vaisseaux, la plupart étrangers, qui font la pêche au large de la côte et regrette que les intérêts canadiens soient si mal protégés.

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